À New York, l’American Jewish Committee rend hommage à Serge Berdugo et consacre «l’exception marocaine»
L’American Jewish Committee (AJC) a célébré, jeudi 25 septembre, un jubilé des plus rares: cinquante ans de partenariat fécond avec la communauté juive marocaine. Une soirée hommage a été dédiée à l’ambassadeur Serge Berdugo, secrétaire général du Conseil des communautés israélites du Maroc, distingué pour son engagement de toute une vie.
L’American Jewish Committee (AJC), influente organisation diplomatique internationale œuvrant pour le rapprochement des communautés, la défense des droits humains et la promotion d’un monde plus sûr, a tenu, jeudi 25 septembre, une réception de gala au prestigieux Harmonie Club de New York. Cet hommage a été consacré à l’ambassadeur Serge Berdugo, secrétaire général du Conseil des communautés israélites du Maroc. Placé sous le thème «Cinquante ans de confiance: un partenariat pour la paix», l’événement a célébré le jubilé d’or d’une coopération constructive et exemplaire entre l’AJC et la communauté juive marocaine.
Dans ce cadre, l’AJC a décerné à Serge Berdugo son prestigieux prix Akiba 2025, une distinction créée il y a quarante-cinq ans, du nom de Rabbi Akiba Ben Joseph, le grand érudit juif des premier et deuxième siècles, pour honorer des individus, institutions ou organisations pour leur apport à la vie intellectuelle, culturelle et communautaire aux États-Unis et dans le monde.
Jason Isaacson, directeur des affaires politiques de l’AJC, en remettant ce prix, a rendu hommage à «un ami exceptionnel», rappelant que Serge Berdugo a consacré toute sa vie à servir sa communauté et son pays, fidèle à une tradition familiale de dévouement et d’engagement.
Il a salué un homme qui, sous la conduite du roi Mohammed VI, a porté haut l’héritage d’un judaïsme marocain profondément enraciné et pleinement assumé, symbole d’un pluralisme devenu marque de fabrique du Royaume. «Serge, sous la direction de Sa Majesté le roi Mohammed VI, a dirigé des efforts ambitieux pour préserver l’héritage juif marocain – l’héritage d’une communauté qui comptait des centaines de milliers de membres au siècle dernier, et dont les descendants sont des acteurs nombreux et dynamiques à la vie juive et à la vie nationale de nombreux pays», a-t-il dit.
En tant que ministre du Tourisme du Maroc, nommé par le roi Hassan II en 1993, et en tant qu’ambassadeur itinérant, nommé par le roi Mohammed VI en 2006, Serge Berdugo a représenté le Maroc dans de nombreuses capitales au fil des ans. «Il a servi son pays avec distinction», a-t-il noté.
Les responsables de l’AJC, du président Bobby Lapin au directeur général Ted Deutch, ont rappelé combien leurs échanges avec Serge Berdugo, au fil des décennies, avaient été décisifs pour approfondir la compréhension d’un modèle marocain unique.
«Pendant de nombreuses années, mes collègues de l’AJC et moi-même avons bénéficié de ses consultations lors de ses visites aux États-Unis – sur les affaires régionales ainsi que communautaires – et avons toujours été chaleureusement reçus lorsque nous l’avons visité. Il nous a conseillés, nous a ouvert des portes et a aidé à approfondir notre appréciation à la fois de la singularité des leçons universelles de l’expérience juive marocaine et de l’exception du Royaume», a souligné Jason Isaacson.
Un traité, deux siècles, une constance
Dans son discours, Serge Berdugo a, lui, replacé ce jubilé dans une perspective plus large, retraçant les fondements d’un partenariat historique et ses implications pour l’avenir. Il a rappelé que les liens entre le Maroc et les États-Unis s’enracinent dans le traité de paix et d’amitié de 1787, «le plus ancien traité ininterrompu de l’histoire américaine».
Cette continuité diplomatique, a-t-il expliqué, s’est trouvée renforcée par le travail mené avec l’AJC, qui a œuvré à renforcer ces liens vieux de 250 ans, contribuant à faire des relations bilatérales un «modèle de partenariat stratégique».
La reconnaissance, en décembre 2020, par les États-Unis, de la souveraineté du Maroc sur son Sahara, constitue à ses yeux une étape charnière, consolidant encore davantage cette alliance séculaire.
Serge Berdugo a, par ailleurs, insisté sur le rôle singulier du Maroc dans la recherche de la paix au Moyen-Orient. Depuis 1968, le Royaume s’est inscrit dans une posture constante et pionnière en faveur d’une solution juste et durable au conflit israélo-palestinien, basée sur la coexistence de deux États.
Le Maroc, a-t-il affirmé, n’a d’autre ambition dans la région que celle de «retrouver la paix entre les fils d’Abraham», ce qui confère au Souverain un rôle de médiateur crédible et respecté. Cette médiation, loin d’être théorique, s’est traduite par des actions concrètes, comme la livraison d’aides humanitaires marocaines à Gaza. De même, la réactivation des relations avec Israël a été présentée comme une décision courageuse visant à favoriser le dialogue en dépit des tensions.
Le Commandeur des Croyants, garant du pluralisme
Un autre aspect central du discours de Berdugo a porté sur le modèle marocain de coexistence, souvent qualifié d’«exception». Ce modèle, a-t-il relevé, prend sa source dans l’institution du Commandeur des Croyants, garante de la protection des trois religions monothéistes. En ce sens, le roi Mohammed VI n’a pas hésité à rappeler sa responsabilité directe de protéger «les personnes, les droits et les valeurs sacrées des Juifs», une déclaration à forte portée universelle, surtout dans un contexte mondial marqué par la recrudescence de l’antisémitisme, de l’islamophobie et de toutes les formes d’extrémisme.
La collaboration étroite entre le Maroc et les États-Unis pour lutter contre «toutes les formes d’extrémisme, de racisme, de terrorisme, d’antisémitisme et d’islamophobie» a également été mise en avant par Serge Berdugo.
Ce modèle de tolérance se reflète également dans les initiatives patrimoniales portées par le Royaume. C’est ainsi que Serge Berdugo a mis en avant la reconnaissance constitutionnelle, en 2011, de la composante hébraïque comme partie intégrante de l’identité nationale marocaine.
Mais il a surtout insisté sur la vaste opération de réhabilitation du patrimoine juif lancée par le roi Mohammed VI, qualifiée d’«unique dans les annales de l’humanité». Une opération qui a permis la restauration de 170 cimetières, la rénovation de 20 synagogues et la mise en place de plusieurs musées dédiés à la culture judéo-marocaine. Parmi eux, le Musée de la culture judéo-marocaine de Fès, dont l’ouverture est prévue en 2026, constituera un jalon majeur de cette entreprise mémorielle et culturelle.
En conclusion de son allocution, Serge Berdugo a souligné que cette expérience marocaine n’était pas un simple héritage figé dans le passé, mais une réalité vivante et une leçon pour l’avenir. «L’exception marocaine n’est pas un mythe. C’est une réalité palpable, une preuve qu’une relation pacifique entre judaïsme et islam est possible. Le monde a besoin de ce phare d’espérance», a-t-il lancé devant un auditoire conquis.
La réception new-yorkaise, qui a rassemblé diplomates, responsables de l’AJC et des personnalités amies du Maroc, s’est achevée dans une atmosphère d’émotion et de fierté partagée. Si le prix était adressé à Serge Berdugo, il a aussi embrassé tout un pays et une vision. À travers lui, c’est le Maroc qui a été salué, dans sa capacité à conjuguer fidélité à ses traditions et projection dans un avenir de coexistence et de paix.
