Renvoyer l’étudiante gazouie accusée d’antisémitisme était une grave erreur – Laurent Sagalovitsch

Renvoyer l'étudiante gazouie accusée d'antisémitisme était une grave erreur – Laurent Sagalovitsch
Ainsi donc, parmi les réfugiés palestiniens que la France s'honore d'accueillir, il en existerait certains qui pratiqueraient un antisémitisme forcené. Quelle découverte surprenante! Qui eût pu penser que des étudiants venant de la bande de Gaza manifestent de l'hostilité sinon de la haine vis-à-vis des Israéliens, voire même des juifs en général?
De qui se moque le Quai d'Orsay lorsqu'il prétend être tombé de sa chaise en découvrant qu'une étudiante recrutée par Sciences Po Lille avait tenu dans le passé des propos plus que virulents contre les juifs? À quoi s'attendaient donc nos chers diplomates? À ce qu'elle déclame son amour pour les représentants d'un pays avec lequel son propre gouvernement, un régime obscurantiste, est en guerre depuis des lustres, une guerre sanglante et totale?
Comment lui reprocher de confondre ou d'associer la figure de l'Israélien avec celui du juif vivant en diaspora? Vous croyez vraiment que dans les écoles ou les universités contrôlées par le Hamas, on manie la nuance au point d'opérer la distinction entre tous les juifs de la terre? Qu'il en existerait des bons et des moins bons, que tous ne sont pas destinés à être exterminés jusqu'au dernier?
C'est ignorer combien la haine du juif, sioniste ou pas, est enseignée dès leur plus jeune âge, non seulement aux enfants gazaouis, mais aussi dans les pays arabes environnants. L'antisémitisme est dans ces contrées la pierre angulaire de toute éducation, une sorte de réflexe identitaire qui voit dans la figure du juif l'incarnation du mal absolu. Par quel miracle, une enfant élevée au sein de ces institutions pourrait, à la fin de ses études universitaires, éprouver autre chose qu'une aversion farouche, une haine profonde, à l'encontre du monde juif en général?
L'immigration professe qu'une personne qui débarque dans un pays avec des valeurs contraires à l'esprit de sa terre d'accueil, finit, au contact de la population autochtone, par les abandonner.
La jeunesse de ces pays est conditionnée à haïr le juif, le juif d'ici et d'ailleurs, le juif israélien comme le juif européen ou américain, le juif dans toutes ses déclinaisons possibles. Reprocher à un enfant gazaoui son antisémitisme, c'est l'accuser d'une faute dont il n'est en rien responsable. Sa haine des juifs n'est pas la sienne, mais le résultat d'un endoctrinement auquel il n'a eu aucun moyen d'échapper.
C'est pourquoi suspendre ou renvoyer cette étudiante est une erreur tragique. Pareille mesure, non seulement la renforcerait dans l'idée que les juifs exercent une influence néfaste même au-delà des frontières du Proche-Orient, mais elle va à l'encontre de ce qu'elle prétend combattre, l'antisémitisme propre à cette jeunesse. Cet antisémitisme-là, celui qui naît d'un bourrage de crâne entrepris dès l'enfance, se déconstruit par l'étude et par la culture, non point par des mesures administratives arbitraires.
L'immigration est toujours un pari. Elle professe qu'une personne qui débarque dans un nouveau pays avec des idées préconçues ou des valeurs contraires à l'esprit même de sa terre d'accueil, finit, au contact de la population autochtone, par les abandonner. En étant confronté à des points de vue différents du sien, en côtoyant des gens de divers horizons, en se frottant à des milieux culturels variés, elle réalise l'inanité de ses prises de position initiales, de tous ces présupposés hérités de son éducation bornée.
Comment s'enchevêtrent le racisme et l'antisémitisme aujourd'hui
Des manifestants brandissent des pancartes et le drapeau israélien devant l'hôtel de Ville de Strasbourg lors d'un rassemblement organisé par le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), pour protester contre le projet de jumelage entre la ville de Strasbourg et le camp palestinien d'Aïda, à Strasbourg (Bas-Rhin), le 23 juin 2025. | Frederick Florin / AFP
L'antisémitisme est toujours une fascination à l'envers, qu'elle s'attaque au juif ou à Israël
Le résultat n'est pas garanti, mais le pari mérite d'être tenté. Il revient à la société française d'exercer son magistère pour déradicaliser cette étudiante et l'amener à réaliser que si ses griefs vis-à-vis d'Israël peuvent être entendus, ils ne sauraient inclure les juifs en général. Que son indignation, sa colère, sa rage, doivent s'arrêter là où commence l'apprentissage de la vie en commun, du respect de chacun, peu importe la couleur de sa peau ou la nature de sa religion, de ses croyances.
Plus généralement, si on entend vraiment régler le conflit israélo-palestinien, le régler une bonne fois pour toutes, c'est en incitant les pays de la région à cesser de diaboliser son voisin qu'on y parviendra, étant bien entendu que l'inverse doit être tout aussi vrai. L'éducation, la culture, l'ouverture d'esprit sont les seuls chemins qui mènent à la paix. Les seuls.