L’étoile et le poing, par Pierre Lurçat

Lectures de Jean-Pierre Allali – L'étoile et le poing, par Pierre Lurçat
C’est un thème particulièrement original et rarement abordé que nous propose Pierre Lurçat : celui des groupes d’autodéfense juifs qui, notamment en France, se sont constitués par la force des choses pour faire face, dans un premier temps, au danger représenté par l’extrême droite et, plus récemment, par l’islamisme.
« Au fondement du militantisme activiste, il y a la double idée d’autodéfense et de réappropriation de l’usage de la force au service du peuple juif » nous dit l’auteur qui a interrogé plusieurs dizaines de responsables de groupements et de mouvements.
Si l’étude de Pierre Lurçat considère la période qui commence en 1967, il n’est pas inutile de rappeler qu’historiquement, l’apparition de l’autodéfense juive remonte au temps des pogroms d’Ukraine et de Bessarabie. Dans son fameux poème « Dans la ville du massacre », Nahman Bialik va dénoncer ce qu’il considère comme la « passivité juive ». Parmi ses lecteurs enthousiastes, Vladimir Zéev Jabotinski et Simon Doubnov qui évoquera la « honte d’une mort sans résistance ». Plus tard, en 1926, le Bessarabien Simon Schwarzbard, influencé par ces écrits, assassinera à Paris l’ataman ukrainien Simon Petlioura. Défendu par maître Henry Torrès, il sera relaxé. Un procès auquel assistera Bernard Lecache et qui sera à l’origine de la création de la LICA, future LICRA (Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme).
Les structures interrogées, si elles ont le même objectif, sont diverses et variées. Voici le Betar, mouvement de jeunesse sioniste qui apparaît en France en 1927 et sa branche adulte, Bné Zéev créée en 1970. L’OJD, Organisation Juive de Défense et les Brigades Juives issues d’une scission de l’OJD, le CLESS, Comité de Liaison des Étudiants Sionistes Socialistes, le FEJ, Front des Étudiants Juifs, la LDJ, Ligue de Défense Juive. Ou encore le Tagar, proche du Betar et le RIF, Rassemblement des Israélites Français. Et, dans le domaine politique, le Hérout France.
Pierre Lurçat n’a pas eu de mal à trouver des interlocuteurs qui apportent leur témoignage souvent de manière anonyme. En effet, il a lui-même été l’un des dirigeants du Tagar, le Mouvement des Étudiants Sionistes.
Les récits des témoins nous dépeignent la castagne contre les officines d’extrême droite, le Gud, le GRECE, la librairie Ogmios… Le karaté et le krav-maga sont de la partie et les matraques, battes de base-ball, pieds de biche, chaises, bouteilles, pierres, gaz lacrymogènes et autres nunchakus volent dans tous les sens.
Au fil des pages, on croise des personnages qui feront carrière par la suite : Jacques Kupfer, Francis Szpiner, André Nahum, William Goldnadel, Philippe Karsenty, Pierre Goldman, Daniel Cohn-Bendit, Roger Cukierman…
On découvre, avec étonnement, « la coopération durable des époux Klarsfeld et les militants de la mouvance activiste ». Le rôle de nombreuses femmes est également mis en valeur.
Mais, nous dit l’auteur, ne nous méprenons pas : même si elle est parfois violente, l’autodéfense juive n’est pas le terrorisme ! Impressionnant !
Jean-Pierre Allali
(*) Éditions L’Éléphant, janvir 2025, 324 pages.