La vie devant moi, par Guy Birenbaum

lectures_jpa_14_0

Lectures de Jean-Pierre Allali – La vie devant moi, par Guy Birenbaum

 
 

 

« La vie devant soi », proclamait, en 1975, Émile Ajar, alias Romain Gary. Plus tard, en 1997, le cinéaste italien Roberto Benigni, nos offrait « La vie est belle ». Toujours au cinéma, Nils Tavernier, en 2024, lançait « La vie devant moi ». Et c’est le scénario de ce film que Guy Birenbaum nous propose sous forme livresque. Guy Birenbaum est loin d’être étranger à cette belle histoire car c’est tout simplement celle de sa propre mère, Tauba Zylberstejn-Birenbaum.

Il était une fois Moshe-Mosco Zylberstejn, né en 1894 et son épouse Rywka, née en 1903, qui, avec leur petite fille, Tauba, âgée de deux ans, vivaient en Pologne, un pays où l’antisémitisme atteignait des sommets insupportables. Nous sommes en 1930.Le couple décide, par prudence, de fuir les pogroms. Direction la France, pays des droits de l’Homme, de la liberté, de l’égalité et de la fraternité. Moshe est façonnier tricoteur et la famille occupe un logement dans le 3e arrondissement de Paris. La petite Tauba, qui a douze ans, est parfaitement intégrée, parle un français châtié et a obtenu son certificat d’études. Une vie modeste mais heureuse. Jamais, même dans les cauchemars les plus fous, la petite famille ne pensera être en danger en France. Et pourtant, le 3 septembre 1939, c’est la guerre. L’Allemagne va occuper la France. Les Juifs sont en danger. Il faut partir. Mais Moshe n’en a pas les moyens. Le 16 juillet 1942, c’est la Rafle du Vél d’Hiv. En moins de deux jours, 12 884 Juifs sont raflés par la police française. Il faut se cacher au plus vite. Après avoir miraculeusement échappé à la police en se cachant, la petite famille doit trouver un endroit sûr pour se replier. C’est l’arrière-grand-mère, Dvora, alias Marta, la mère de Rywka, qui vit à Paris depuis 1937, qui trouve une solution : quitter la rue Blondel pour la rue Saint-Maur où elle habite. 

Une famille française catholique, les Dinanceau, Rose et Désiré Auguste, accepte de les héberger. Ce n’est pas bien grand, un studio d’une pièce. Ce n’est pas bien loin, trois kilomètres, mais c’est la peur au ventre que les Zylberstejn quittent la rue Blondel. Tauba raconte ; « Alors, nous sommes partis…Mon père marchait devant et s’arrêtait toutes les trois secondes… Nous, nous marchions derrière et je pense que ce voyage, ça a été la traversée de l’Amérique… nous sommes arrivés plus morts que vifs ». La petite famille va demeurer deux ans et un mois dans leur piécette de six mètres carrés, jusqu’au 25 août 1944. « Une toute petite table en bois, trois chaises, un sommier posé à même le sol, une vieille commode brinquebalante, un petit poêle Godin dans un coin, un tout petit lavabo placé sous le vasistas… ». 

Quant aux toilettes, elles sont à l’extérieur et on ne peut s’y rendre qu’après avoir pris toutes les précautions. Et, une fenêtre qui donne sur la cour. Si Moshe choisira très rapidement, de faire de cette fenêtre un point d’observation, Tauba, elle, au mépris de toute prudence, parvient à s’évader régulièrement par le vasistas des toilettes pour gambader sur le toit de l’immeuble. Sous forme d’éphémérides, Guy Birenbaum nous narre la vie de sa famille qui vit sous la hantise d’une descente de police. D’autant plus qu’on apprendra que Lucien, le fils des Dinanceau, est un nazi convaincu. Un jour, en octobre 1943, Moshe se blesse. 

Le risque de gangrène est avéré. Le verdict du médecin qui a accepté de venir au chevet du blessé est sans appel ; il faut se rendre à l’hôpital. Malgré le danger, Moshe est conduit à Saint-Louis où une équipe hospitalière courageuse, consciente que le blessé est juif, lui sauvera la vie. Un très beau roman, une belle écriture. À lire absolument.

 

Jean-Pierre Allali

 

(*) Éditions Flammarion, janvier 2025, 192 pages, 21 €

Laisser un commentaire